Résumé de la thèse

En conclusion de son essai historiographique intitulé Une voix venue de loin : L’histoire des télécommunications au Canada, Robert Collins (1977) décrit les pratiques d’un citoyen canadien dont il imagine vingt ans plus tard (dans les années 1990) les usages des dernières technologies disponibles. L’imaginaire déployé fait écho à ce que Sang-Hyun Kim et Sheila Jasanoff appellent des « imaginaires sociotechniques » qu’elles définissent ainsi : « [sociotechnical imaginaries are] collectively imagined forms of social life and social order reflected in the design and fulfillment of nation-specific and/or technological projects » (Jasanoff et Kim, 2009, cité de Jasanoff, 2015 : 4). Collins représente ainsi l’émergence de pratiques sociales reposant sur la maîtrise des dispositifs sociotechniques par les usagers, notamment la création et la diffusion de vidéos personnelles accessibles à tous.tes sur un réseau mondial en échange d’une rétribution sur la base du nombre d’abonnements souscrits pour accéder au contenu. Il imagine de nouvelles manières « d’inclure » les téléspectateurs de manière ludique à l’offre de contenu médiatique, comme le « Participhone », un appareil de la taille d’un paquet de cigarettes fourni gratuitement par l’industrie de la radiotélévision – semblable au « Votaphone » qui aurait été imaginé plus tôt par des ingénieurs de Recherches Bell-Northern –, et avec lequel les téléspectateurs peuvent partager leurs opinions et contribuer à mieux renseigner les publicitaires à partir de leurs réactions instantanées. À l’instar des propositions de Jasanoff et Kim concernant les imaginaires sociotechniques, dans un livre intitulé The Internet Myth. From the Internet Imaginary to Network Ideologies, Paolo Bory (2020) explique que l’histoire et les récits du développement technologique participent de la construction sociale de la réalité et alimentent un imaginaire social qui incarne non seulement un instrument de pouvoir, mais contribue aussi au maintien de positions idéologiques dominantes.

Les premiers constats issus des études que nous avons consultées nous ont permis de formuler une intention de recherche visant à comprendre comment et à quelles fins les communautés de l’Inuit Nunangat s’approprient les technologies de communication ; de quelles manières parviennent-elles à renforcer leur autodétermination (et ses multiples facettes) à travers elles et en quoi les discours et pratiques qui les entourent témoignent d’une affirmation de leur souveraineté ou au contraire de leur dépendance à l’égard des logiques et cadres normatifs d’acteurs industriels et institutionnels exogènes.

Nous émettons l’hypothèse que la connectivité est un terrain contesté par les acteurs sociaux locaux et les communautés de pratiques luttant pour la justice sociale en ce qu’il peine à favoriser l’autodétermination des communautés de l’Inuit Nunangat et à réellement entreprendre une réduction des inégalités d’accès au pays. Ceci en raison du fait que le discours social sur la connectivité et le développement technologique dans l’Inuit Nunangat tend à favoriser le maintien de logiques d’accumulation problématiques et un monopole sur les infrastructures matérielles. Il s’agit d’un terrain dans et à partir duquel les communautés de l’Inuit Nunangat entreprennent de revendiquer un accès équitable à l’Internet de telle manière que le développement des infrastructures et l’appropriation des technologies reflètent leurs intérêts et répondent aux besoins qu’elles identifient.

En 2018, Julien Hocine a déposé un mémoire et à ce titre, il a aussi une présentation à titre d'étudiant à la maîtrise.